Article écrit le 12/10/2017 – Photo : Tauba Auerbach – RGB colorspace atlas
Thierry Ehrmann, PDG d’Artprice, vient de présenter le Rapport Artprice 2017 entièrement dédié à l’Art Contemporain. Au terme de 18 mois de ralentissement, l’ensemble du Marché de l’Art repart à nouveau, porté en grande partie par les performances de l’Art Contemporain.
Les résultats en ventes publiques attestent que les échanges s’accélèrent et s’internationalisent. L’offre se renouvelle sans cesse et le nombre de collectionneurs se multiplie. L’Art Contemporain s’affranchit peu à peu des règles traditionnelles du Marché de l’Art. Celui-ci s’ouvre enfin pleinement aux femmes, au Street Art, aux collectifs. Il gagne en liquidité ainsi qu’en efficacité.
Une nouvelle dynamique à la hausse sur le marché de l’art contemporain
Durant deux années consécutives, le chiffre d’affaires résultant des ventes d’Art Contemporain a sensiblement diminué, jusqu’au S2 2016 où il a perdu -10%. Après cette correction salutaire, la croissance est de retour : le produit des ventes mondial a progressé de +14% au premier semestre 2017.
Le chiffre d’affaires de l’Art Contemporain atteint 1,58 milliards de dollars entre juillet 2016 et juin 2017, soit +3,2% de mieux que lors de l’exercice précédent. Simultanément, le nombre de lots vendus diminue de -2% : 57 100 œuvres ont été vendues contre 58 400 l’an dernier. Le taux d’invendus reste parfaitement stable à 41%.
Ces chiffres reflètent d’une manière générale la progression du prix des pièces en circulation. Le prix moyen pour une œuvre contemporaine passe ainsi de 26 160 $ à 27 600 $. Le prix médian se situe autour de 1 300 $.
Cette prise de valeur est confirmée par l’évolution de l’indice des prix. Après avoir baissé tout au long de l’année 2015, l’indice des prix de l’Art Contemporain affiche une reprise de +22% depuis janvier 2016, ce qui permet à ce secteur de maintenir des rendements compétitifs par rapport aux placements traditionnels sur le long terme. Sur les 30 dernières années, la valeur des œuvres contemporaines a globalement augmenté de +129%.
concentration dans les grandes capitales financières
La concentration des ventes dans les grandes capitales financières met en concurrence les collectionneurs du monde entier et assure la croissance des prix sur le long terme. New York, Londres et Hong Kong forment trois pôles d’échanges internationaux, capables de concentrer le meilleur de l’offre comme de la demande.
L’essor de l’Art Contemporain passe essentiellement par quatre grandes villes. New York, Londres, Hong Kong et Pékin concentrent à elles seules 83% des recettes mondiales d’Art Contemporain et seulement 20% des lots.
Les 110,5 millions de dollars déboursés cette année pour une toile de Jean-Michel Basquiat illustrent cette nouvelle dynamique : acquise à New York (vente Sotheby’s) par un collectionneur japonais de 41 ans – Yusaku Maezawa – Untitled (1982) est l’œuvre contemporaine la plus chère au monde.
Le succès de Jean-Michel Basquiat est non seulement exponentiel mais aussi mondial : sur les 30 dernières années, sa toile Water-Worshipper (1984) a été successivement vendue à New York, Paris, Londres et Hong Kong, et les transactions se succèdent à un rythme de plus en plus rapide.
Attractivité financière de l’Art Contemporain
Les pièces réalisées par des artistes contemporains et vendues en 2016/2017 affichent en moyenne un rendement annuel de 7,6% pour une durée de détention de 8 ans. L’Art Contemporain se montre comme un investissement intéressant sur le long terme.
Pour les œuvres achetées plus de 50 000 $, le rendement annuel moyen atteint 8,7% pour une durée de détention de 7 ans. Les lots vendus plus de 50 000 $ représentent 6% du volume total de transactions.
Mais les prix de l’Art Contemporain dévoilent une évolution bien plus saccadée que les prix des périodes antérieures. Périodiquement, les ventes d’Art Contemporain bénéficient de l’engouement des collectionneurs puis souffrent de leurs hésitations. Pourtant, au cours des derniers mois, alors que toutes les autres périodes de création montrent des évolutions de prix stables, l’Art Contemporain a retrouvé toute sa vitalité, se révélant comme le moteur du Marché de l’Art.
Les Tendances actuelles
Les artistes chinois et américains majoritaires
Portés par des places de marché efficientes, les artistes chinois et américains sont majoritaires sur le marché haut de gamme. D’autres nationalités se distinguent cependant, notamment les artistes allemands et ceux du continent africain.
Engouement pour le Street Art
Avec des signatures historiques fortement valorisées et la popularité grandissante d’une nouvelle génération d’artistes, le marché du Street Art se structure et s’internationalise. Énergique et inventif, populaire et médiatique, le Street Art séduit un nombre grandissant de collectionneurs.
Quatre signatures issues du Street Art émergent parmi les 10 artistes les plus vendus au monde. Le succès commercial de Keith Haring, Shepard Fairey, Banksy et Kaws révèle une tendance forte chez les collectionneurs, asseyant le Street Art comme l’un des secteurs les plus dynamiques du marché de l’art actuel.
L’engouement est manifeste pour la nouvelle génération d’artistes : OSGEMEOS, KAWS, Barry MCGEE, Shepard FAIREY (dit Obey).
Ces succès commerciaux récompensent un art dans l’air du temps, un art dont Jean-Michel Basquiat et Keith Haring furent les pionniers.
Le marché s’ouvre aux femmes
Avec 14% de femmes dans le Top 500, le marché contemporain reste dominé par les hommes et la question de la sous-valorisation des artistes femmes se pose sur le marché haut de gamme. Néanmoins, la proportion atteint 31% pour la génération des artistes nés après 1980. Si la féminisation du marché de l’art est en cours, le déséquilibre est toujours prégnant.
Depuis quatre ou cinq ans, certaines femmes artistes commencent à atteindre des prix similaires à ceux de leurs homologues masculins, mais le fossé reste important. La première (et la seule) adjudication portée à plus de 10 millions de dollars pour Louise Bourgeois remonte par exemple à 2015.
En 2015, une étude menée par la conservatrice américaine Maura Reilly démontrait que seul un quart des rétrospectives de la Tate Modern de Londres étaient dédiées aux artistes femmes. Depuis cette étude, il semblerait que des musées prestigieux tentent un rééquilibrage. De grandes artistes ont récemment bénéficié d’importantes expositions au sein de musées phares et certains musées et galeries ont organisé des expositions réunissant exclusivement des travaux féminins (le MoMA avec Making Space: Women Artists and Postwar Abstraction ou la Saatchi Gallery de Londres avec Champagne Life en 2016).
Cependant, les artistes ne sauraient être réduites à une catégorie du fait de leur sexe. Cela mènerait inexorablement à une autre forme de sexisme, les femmes devant jouir des mêmes leviers de reconnaissance que les hommes, parce qu’elles sont de bonnes artistes et non parce qu’elles sont des femmes …