Article écrit le 05/04/2018
Dans le cadre du projet de loi Pacte, Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie et des Finances, a détaillé les grands principes de la réforme de l’épargne qui porte sur l’assurance vie et sur l’épargne retraite. Celle-ci doit répondre à un double objectif.
Tout d’abord, elle doit permettre de flécher l’épargne des français vers l’économie productive afin financer le développement des entreprises françaises, notamment celui des PME. Pour cela, il est nécessaire de favoriser les solutions de placement qui mobilisent l’épargne sur le long terme.
Ensuite, face à un équilibre financier des régimes de retraite obligatoire et complémentaire de plus en plus fragile, le gouvernement doit inciter les français à se constituer un complément de revenu pour la retraite.
Pour relever ce double défi, le gouvernement a annoncé les grandes lignes des mesures qu’il souhaite mettre en place et qui concernent l’assurance vie et l’épargne-retraite.
Assurance vie : la fiscalité est préservée et l’eurocroissance simplifié
Bruno Le Maire a dès le départ annoncé qu’il n’y aurait pas de révolution de l’assurance vie. « Je ne veux pas remettre en cause la stabilité du placement préféré des Français. Il n’y aura pas de grand soir de l’assurance vie, parce que ce n’est ni souhaitable ni responsable », a-t-il expliqué.
La réforme devrait porter essentiellement sur l’eurocroissance « pour accélérer son développement ». Lancé en 2014, ce produit n’a pas rencontré le succès escompté : il représente seulement 2,3 milliards d’euros d’encours (à comparer aux 1 300 milliards d’euros pour les fonds en euros classiques).
Qu’est ce que l’eurocroissance ?
L’eurocroissance est à mi-chemin entre le fonds en euros (capital garanti à tout moment mais rendement faible) et les supports en unité de compte (capital non garanti mais potentiel de rendement plus important).
Il promet un rendement potentiel plus élevé que celui du fonds en euros classique mais le capital n’est garanti (dans sa totalité ou en partie) qu’après une échéance de 8 ans minimum (l’épargnant peut choisir une échéance plus lointaine, 10 ans par exemple). Si l’épargnant effectue un retrait avant cette échéance, il peut donc subir une perte.
La plupart des assureurs visent une performance de 0.5 à 1 point plus élevée que celle des fonds en euros classiques.
Autre spécificité du fonds en euros croissance : pour un même assureur, les rendements distribués aux épargnants sont différents selon la date à laquelle ils ont investi, le niveau des garanties retenues (par exemple capital garanti à 100% ou 98%), la durée pendant laquelle le capital ne sera pas garanti (par exemple 8 ans ou 10 ans)
Par exemple, la performance du fonds eurocroissance de l’AFER pour un épargnant qui a investit en 2015 avec une échéance de 10 ans est de 9,78% au 31/12/2017 et de 15,19% si l’épargnant a choisi une échéance de 20 ans. Pour ceux qui ont investit en 2016, la performance pour une échéance de 10 ans est de 1,04% et de 2,12% avec une échéance à 20 ans …
Attention, car les gains constatés avant l’échéance ne sont ni acquis, ni garantis (contrairement à ceux d’un fonds en euros classique). Si les marchés se retournent une performance négative peut être enregistrée.
Simplification de l’eurocroissance
Conscient de la complexité de l’eurocroissance, le gouvernement souhaite simplifier le produit. Le rendement sera unifié pour tous les épargnants et pourra être bonifié « lors d’engagements longs, en particulier dans les PME », a expliqué le ministre de l’Economie qui espère porter l’encours à 20 milliards d’euros en deux ans.
Le gouvernement mise sur l’épargne-retraite et veut la rendre plus attractive
Pour répondre au double objectif des entreprises et des retraites, le gouvernement mise sur une réforme de l’épargne-retraite. Placement de long terme, l’épargne-retraite semble en effet particulièrement adaptée à l’investissement dans les actions et obligations d’entreprise. Elle permet par ailleurs à l’épargnant de se constituer un complément de revenu pour la retraite.
Aujourd’hui, il existe des dispositifs d’épargne-retraite selon le statut de l’épargnant (le PERP pour les salariés, le contrat Madelin pour les indépendants) et selon les avantages proposés par l’entreprise (épargne salariale : le PERCO), le tout avec des incitations fiscales différentes selon les produits (déduction d’impôt pour le PERP et le Madelin).
Améliorer la portabilité
Tout d’abord, le gouvernement souhaite améliorer la portabilité des produits afin que chacun puisse conserver au long de sa vie professionnelle ses acquis, lors par exemple d’un changement de statut (passage du statut de salarié à indépendant par exemple).
Harmoniser les dispositifs
Ensuite le gouvernement souhaite harmoniser les différents dispositifs d’épargne retraite. A ce sujet, Bruno Le Maire a évoqué un « rapprochement des règles d’abondement et de la fiscalité des produits d’épargne retraite, dans le respect des spécificités des produits existants ». Cela veut-il dire que les versements sur un PERCO pourront être déduits des impôts, comme c’est le cas aujourd’hui pour le PERP et le Madelin ? Affaire à suivre …
Faciliter les sorties en capital
Enfin, le gouvernement souhaite faciliter les sorties en capital. En effet, aujourd’hui pour le PERP, le Madelin et le PERCO, seule une sortie en rente est possible (sauf exception). Bruno Le Maire souhaite « une souplesse accrue sur le retrait des sommes épargnées à l’âge de la retraite, pour mieux tenir compte du souhait de nombreux épargnants de disposer d’un capital au moment où ils partent à la retraite ».
Le produit epargne retraite unique des assureurs n’a pas été retenu
Les modalités définitives de la réforme ne sont pas encore arrêtées et, selon Bercy, des discussions avec les assureurs seraient en cours. En tout cas, à ce stade, la proposition des assureurs visant à créer un nouveau produit d’épargne-retraite unique avec une sortie en rente et qui remplacerait les dispositifs existants ne semble pas avoir convaincu le gouvernement …
Les produits d’épargne retraite représentent aujourd’hui 200 milliards d’euros d’encours, à comparer au 1 700 milliards d’encours en assurance vie. Les mesures envisagées par le gouvernement permettront peut-être de rééquilibrer cette répartition.
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