Article écrit le 05/05/2019 – Crédit photo : 123RF
En 1999, un couple souscrit un contrat d’assurance vie. Mais en 2011, après avoir subi des pertes, ils informent l’assureur qu’ils renoncent à leur contrat, invoquant le fait que ce dernier n’a pas rempli son devoir d’information pré-contractuel.
Souscription d’une assurance vie : le droit de changer d’avis
Lorsque vous souscrivez une assurance vie, une fois le contrat conclu, vous avez 30 jours calendaires pour revenir sur votre décision. Ce délai court à partir de la date à laquelle vous avez été informé de la conclusion du contrat par l’assureur.
Néanmoins, ce délai peut être prolongé si les informations et documents obligatoires ne vous ont pas été remis par l’assureur lors de la signature du contrat. Pour les contrats souscrits depuis le 1er mars 2006, cette prolongation du délai est limitée dans le temps : vous pouvez exercer votre droit de rétractation au plus tard dans les 8 ans à partir de la conclusion du contrat.
Si vous exercez votre droit de rétractation, l’assureur doit vous restituer l’intégralité des sommes versées sur le contrat dans les 30 jours qui suivent la réception de la renonciation. Passé ce délai, les sommes produisent des intérêts au taux légal majoré de 50% durant les 2 premiers mois, puis au-delà de ce délai, au double du taux légal.
L’exercice du droit de rétractation peut dégénérer en abus de droit
En 1999, un couple souscrit un contrat d’assurance vie. Pendant les années qui suivent cette souscription, ils effectuent des versements et des rachats partiels sur le contrat.
Mais en 2011, après avoir subi des pertes, ils informent l’assureur qu’ils renoncent à leur contrat. Le couple invoque le fait qu’ils n’ont pas reçu, avant de souscrire (12 ans plus tôt donc), les informations et documents obligatoires de la part de l’assureur, comme l’exige la loi.
Dans le métier, cette pratique est surnommée « le droit du renard » : le client invoque une erreur de forme minime de la part de l’assureur pour sortir d’un contrat qui ne réalise pas les performances espérées et récupérer les sommes investies, sans pénalité.
L’assureur ne leur ayant pas restitué les sommes investies, les clients assignent la compagnie.
Dans ce type d’affaires, la Cour de cassation a longtemps donné raison au client, estimant que la faculté de renoncer au contrat revêt un « caractère discrétionnaire » pour l’assuré et que la prolongation du délai de renonciation permet de sanctionner le non-respect par l’assureur de son obligation d’information. Mais avec l’augmentation des affaires semblables, la Cour de cassation a admis en 2016 que l’exercice de cette faculté « peut dégénérer en abus »et invite à limiter la possibilité prolonger le délai aux épargnants de « bonne foi ».
La fin du « droit du renard » ?
Dans notre affaire, pour se défendre, l’assureur fait valoir que son erreur était minime (le modèle de lettre de renonciation a été inséré dans la note d’information alors qu’il aurait dû figurer dans le bulletin d’adhésion) et tente de prouver la « mauvaise fois » des clients en argumentant que ces derniers ont attendu 12 ans pour se plaindre et que leur action en justice est « de pure opportunité dans un contexte de baisse boursière » et qu’elle « a pour seul objectif de faire supporter à l’assureur les pertes résultant de leurs choix d’investissements sur des unités de compte en actions soumises aux fluctuations des marchés financiers ».
Malgré la jurisprudence, la Cour d’appel de Versailles condamne l’assureur à rembourser les clients. Selon la Cour, l’assureur n’a pas réussi à prouver la mauvaise fois des clients : il aurait du apporter la preuve que les clients, au moment de la souscription, étaient conscients de la faute de l’assureur et qu’ils n’auraient souscrit le contrat qu’en considération de la possibilité d’y renoncer ultérieurement.
Considérant que la preuve de la mauvaise fois des clients aurait du être appréciée non pas au moment de la souscription, mais au moment de l’exercice du droit de rétractation, l’assureur se pourvoit en cassation. La Cour de cassation lui donne raison : dans un arrêt du 28 mars 2019, elle casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles et renvoie les parties devant la Cour d’appel de Paris.
Il faudra donc attendre la décision de la Cour d’appel de Paris pour savoir si la justice compte mettre un terme au « droit du renard ».
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