Article écrit le 27/07/2023 – Par MINGZI – Crédit photo : 123RF
Suivant les préconisations de son conseiller en gestion de patrimoine, Monsieur T souscrit un contrat d’assurance-vie en unités de compte. Ayant subi une forte baisse des capitaux investis, il assigne son conseiller pour manquement à ses obligations de conseil, de mise en garde et d’assurer l’adéquation des supports avec le profil de risque de l’investisseur.
Les faits
En 2010, suivant les préconisations de son conseiller en gestion de patrimoine, Monsieur T souscrit un contrat d’assurance-vie et investit une certaine somme dans des unités de compte. En 2014, il arbitre ces supports vers d’autres unités de compte. Soutenant avoir subi une forte baisse des capitaux investis, résultant d’un manquement de son conseiller à ses obligations de conseil, de mise en garde et d’assurer l’adéquation des supports conseillés avec le profil de risque déclaré de l’investisseur, Monsieur T l’assigne en responsabilité.
Or, la Cour d’appel estime que, dès la conclusion du contrat en cause, Monsieur T savait que les supports conseillés comportaient des risques de perte en capital. Elle considère donc que le point de départ du délai de prescription de son action en responsabilité contre le conseiller en gestion de patrimoine se situe à la date de conclusion du contrat. Les actions personnelles ou mobilières se prescrivant par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, la Cour d’appel déclare alors comme prescrite l’action en responsabilité de Monsieur T.
Considérant qu’il ne pouvait avoir connaissance du dommage qu’à l’échéance des unités de compte constituées de produits structurés dont le résultat n’est acquis qu’à cette échéance, Monsieur T se pourvoit alors en cassation.
Réponse de la Cour de cassation
Il résultat de la combinaison des articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce que les obligations entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Lorsqu’un un conseiller en gestion de patrimoine manque à son obligation d’informer le souscripteur d’un contrat d’assurance-vie sur le risque de pertes d’un support d’investissement, ou à son obligation de le conseiller au regard d’un tel risque, cela prive ce souscripteur de la possibilité d’éviter la réalisation de ces pertes. Ces pertes ne se réalisent qu’au rachat du contrat d’assurance-vie, quand bien même le support en cause aurait fait antérieurement l’objet d’un désinvestissement.
La Cour de cassation considère que « le préjudice résultant d’un tel manquement doit être évalué au regard, non de la variation de la valeur de rachat de l’ensemble du contrat, mais de la moins-value constatée sur ce seul support, modulée en considération du rendement que, dûment informé ou conseillé, le souscripteur aurait pu obtenir du placement des sommes initialement investies sur ce support jusqu’à la date du rachat du contrat ».
La Cour de cassation en déduit que le délai de prescription de l’action en indemnisation d’un tel dommage commence à courir, non à la date où l’investissement a lieu, mais à la date du rachat du contrat d’assurance-vie.
Pour déclarer prescrite l’action de Monsieur T, la Cour d’appel a retienu que, dès son premier investissement sous forme d’unités de compte en 2010, Monsieur T savait qu’une perte en capital était susceptible de se réaliser et que, par conséquent, le point de départ du délai de prescription doit être fixé à cette date. Or, à cette date, les pertes subies sur les sommes investies, ne s’étaient pas réalisées, de sorte que le délai de prescription n’avait pas commencé à courir.
Par ces motifs, la Cour de cassation casse le jugement de la Cour d’appel.
Source : Cour de cassation – 21 juin 2023 – Pourvoi n° 21-19.853 – Chambre commerciale financière et économique
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