Article écrit le 04/07/2020 – Par MINGZI – Crédit photo : Fotolia
La notion de prime manifestement exagérée dans le cadre de l’assurance vie est une question sensible qui oppose depuis longtemps notaires et assureurs. Le sénateur Claude Malhuret a interrogé à ce sujet le Ministère de la justice qui a répondu que cette problématique « doit s’insérer dans le cadre d’une réflexion plus large sur la réserve héréditaire ». Explications.
Assurance vie : attention aux primes manifestement exagérées
L’assurance vie permet de transmettre une somme d’argent aux personnes de son choix, dans un cadre fiscal avantageux puisque sans droit de succession jusqu’à 152 500 euros. Par ailleurs, les sommes transmises via l’assurance vie sont exclues de la masse successorale. Dans ce cas, le patrimoine à partager entre les héritiers est donc moins important. Or, en France, la loi protège les héritiers en leur réservant une part minimum du patrimoine du défunt. Par exemple, la part du patrimoine réservée aux enfants est égale aux deux-tiers du patrimoine en présence de deux enfants.
Si les sommes transmises par l’assurance vie représentent une part trop importante du patrimoine du défunt, les héritiers, qui voient fondre les sommes à se partager, peuvent décider de contester le contrat en invoquant des « primes manifestement exagérées ». Ce sera alors au juge de déterminer s’il convient de réintégrer les sommes dans la masse successorale. Chaque dossier est analysé au cas par cas par le juge car il n’existe aucun texte définissant la notion de prime manifestement exagérée. Le juge ne peut s’appuyer que sur les critères d’appréciation, plus ou moins subjectifs, définis par la Cour de cassation.
Ainsi, le caractère « exagéré » d’une prime s’apprécie en fonction de l’âge et de la situation familiale et patrimoniale du souscripteur au moment du versement de chaque prime et non globalement au moment du décès du souscripteur. Ainsi, une prime pourra être jugée raisonnable à un instant précis, alors qu’une autre sera jugée excessive quelques années plus tard, par exemple, parce que les ressources du souscripteur ont considérablement baissé.
D’autres critères peuvent être pris en compte comme l’utilité de l’opération pour le souscripteur, son âge, son état de santé, son espérance de vie, ou encore le mobile de la souscription. Si le contrat est utile au souscripteur et qu’il ne l’empêche pas de vivre confortablement, il peut être déclaré valable, même si les primes versées sont très importantes. En revanche, si des versements importants sont effectués à un âge très avancé, le juge peut considérer que le souscripteur a voulu transmettre une partie de son patrimoine en contournant les règles successorales.
Le réserve héréditaire : une question sensible qui oppose depuis longtemps notaires et assureurs
En janvier 2020, un rapport sur la problématique de la réserve héréditaire a été remis par un groupe d’experts du droit et du notariat à Nicole Belloubet, la Ministre de la Justice. Celui-ci préconise notamment de « soumettre pour les seuls aspects civils, l’assurance-vie au droit commun des successions et des libéralités ». Le sénateur Claude Malhuret a dernièrement interrogé la Ministre sur la suite qu’elle envisage de donner à ce rapport et lui la question de savoir s’il est « admissible que les capitaux susceptibles d’échapper aux héritiers réservataires dépendent de l’interprétation que fera le juge de la notion d’exagération, reposant sur l’appréciation de l’utilité du contrat au jour de sa souscription ? ». Le Sénateur demande que soient fournis « des éléments d’appréciation de « l’exagération » sur lesquels pourront s’appuyer les juges du fond pour écarter ou au contraire pour valider les prétentions d’héritiers réservataires craignant d’être privés de leurs droits ».
Le ministère de la justice, qui semble ne pas vouloir trancher cette question sensible qui oppose depuis longtemps notaires et assureurs, a répondu que « l’édiction de critères d’appréciation du caractère exagéré des primes, tout comme de critères permettant d’identifier les assurances-vie constitutives de libéralités doit s’insérer dans le cadre d’une réflexion plus large sur la réserve héréditaire » et ajoute que le rapport qui a été remis à la Garde des sceaux ouvre « de nombreuses pistes de réflexion ». Il rappelle également que la jurisprudence est riche sur ce sujet.
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