Article écrit le 14/04/2019 – Crédit photo : 123RF
Le montage prêt in fine / nantissement d’une assurance vie est complexe. Mal informés des risques, certains emprunteurs se retrouvent avec une épargne insuffisante pour rembourser le prêt au terme. La Cour d’appel vient de rejeter la demande d’indemnisation d’un emprunteur au motif que le délai de prescription de son action était dépassé. Explications.
Nantissement assurance vie et crédit in fine : le fonctionnement
Le prêt in fine est un crédit immobilier dont la particularité est que le remboursement du capital se fait à l’échéance du prêt, en une seule fois. Seuls les intérêts sont remboursés pendant toute la durée du crédit.
La souscription du prêt immobilier in fine peut être couplée au nantissement de l’assurance vie : l’épargne placée sur le contrat d’assurance vie sert de garantie auprès de l’établissement prêteur. Cela permet de lui assurer le remboursement du capital à l’échéance du prêt. Entre temps, si l’épargne fructifie, les gains sont utilisés pour rembourser les intérêts d’emprunt.
Il n’est pas forcément nécessaire de verser la totalité du capital emprunté sur l’assurance vie dès le début du prêt : l’emprunteur peut faire des versements réguliers sur son contrat pour que le capital emprunté soit reconstitué à la fin du crédit.
Mais attention, en cas de contre-performance du contrat d’assurance vie ou d’une mauvaise information de l’emprunteur, l’épargne constituée peut parfois ne pas être suffisante pour rembourser le prêt au terme.
Un montage complexe
Le 6 mars dernier, la Cour d’appel a jugé un cas de ce type.
En 1999, la Société générale a consenti à une SCI un prêt in fine à douze ans, garanti par le nantissement de deux contrats d’assurance-vie, souscrits auprès de la banque.
En 2012, le rachat total des contrats d’assurance vie n’a permis qu’un remboursement partiel du prêt. La Société Générale a alors mis en demeure la SCI de lui payer les sommes restant dues.
En 2013, la SCI a s’est retournée contre la banque, lui reprochant de ne pas avoir été informé lors de la souscription des contrats d’assurance vie, du risque de ne pas pouvoir rembourser le prêt à son terme.
En effet, le banquier est tenu à une obligation d’information, de conseil et de mise en garde vis-à-vis de l’emprunteur. En cas de manquement à cette obligation, l’emprunteur peut se retourner contre la banque et lui demander une indemnisation. Cependant, l’action doit être intentée avant l’expiration du délai de prescription de 5 ans. Pour ce faire, il est nécessaire de connaître la date du point de départ de ce délai de prescription.
Attention au délai de prescription en cas de contestation
Selon la jurisprudence, le dommage résultant du manquement du banquier, consiste en « une perte de chance de ne pas contracter » (c’est à dire que s’il avait été correctement informé, l’emprunteur aurait pû choisir de ne pas souscrire le prêt). Elle considère que le délai de « la prescription d’une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime ».
Dans le cas d’un prêt «simple », le point de départ de la prescription correspond donc à la conclusion du contrat de prêt. Mais dans le cadre d’un montage aussi complexe qu’un prêt in fine adossé à un contrat d’assurance vie, le point de départ est plus difficile à déterminer.
Ainsi, en 2013, le Tribunal de Grande Instance de Versailles a estimé que le dommage était apparu au terme du contrat de prêt, date à laquelle l’épargne du contrat d’assurance vie devait permettre à l’emprunteur de rembourser l’intégralité de son prêt. Elle a jugé que le point de départ de la prescription correspond au jour où l’emprunteur a eu connaissance du dommage résultant de la réalisation d’un risque contre lequel il n’avait pas été mis en garde.
L’action de l’emprunteur, intentée peu après la fin du prêt, n’était donc pas prescrite. En conséquence, la banque a été condamnée pour manquement à ses obligations de conseil et de mise en garde.
Mais il n’en est pas toujours ainsi. Dans son jugement du 6 mars dernier (cas décrit ci-dessus), la Cour d’appel a considéré que la perte de chance « se manifeste dès l’octroi du prêt ». Par conséquent, le délai de prescription a commencé à courir à la date de conclusion du contrat de prêt (1999). La Cour d’appel a donc estimé que l’action contre la banque était prescrite et a rejeté la demande d’indemnisation de l’emprunteur.
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